L'histoire des hommes est inscrite dans des documents anciens, ou bien révélée par les vieilles pierres des constructions antiques. Parfois, la mise au jour d'un objet enfoui pendant des millénaires entraîne une projection vertigineuse dans le passé. Les Celtes ont érigé des tumulus dans la forêt de Cadenbronn et peut-être creusé des mardelles dans celle des « Houlöcher ». A la saison des labours, le soc des charrues exhume de temps à autre quelques tuiles ou des tessons de poterie qui indiquent une construction romaine. La découverte qu'a faite M. Daniel Milutinovic, près du Moulin-Neuf, permet de remonter encore plus loin dans le temps. Il a déterré une pierre taillée par la main de l'homme, vieille de plusieurs dizaines de milliers d'années, et appelée biface par les archéologues. Cette trouvaille est à rapprocher de celle faite à Spicheren en 1926 : la partie d'un squelette de rhinocéros et des outils en bois dans un camp de chasseurs préhistoriques. Bien avant nos ancêtres les Gaulois, des hommes, des femmes et des enfants vivaient, travaillaient et luttaient dans le paysage qui nous est familier.
Le biface trouvé à Moulin-Neuf
Le centre du village avant la guerre
Bien souvent, des personnes étrangères au village nous interrogent sur la signification du nom « KERBACH ». Expliquer l'étymologie de ce mot est simple pour le second terme, puisque « Bach » signifie ruisseau en allemand et que deux cours d'eau coulent au nord et au sud de la localité. Les questions concernent surtout le « Ker » qui a une consonance bretonne. L'historien TOUBA nous apprend que jadis le village s'appelait Kirperch (1277), Kirbach (1592),Kerpachen (1668) et que le nom Kerbach apparaît au 18° siècle (17..). Selon lui, Kirchberg correspondrait le mieux à la situation de l'église-mère sur une hauteur (à rapprocher de Kirperch). Joseph ALLMANG, dans « Les lieux-dits de Spicheren », explique ainsi le mot Kirbach : « Le terme pourrait dériver du moyen haut allemand kürn, ancien haut allemand quirn : le moulin ». Cette explication paraît séduisante, puisque, outre la Losermühle, située sur le ban d'Etzling, notre commune comptait trois autres moulins, tous sur le ruisseau Waeschbach : la Oligmühle citée en 1747, la Neumühle évoquée en 1752 et la Altmühle, située sur le confluent avec la Bousbach et citée en 1727.
Malgré des vestiges d'occupation celte et romaine, la première référence historique concernant le village date de 1257, lorsque Théodoric de Réchicourt, seigneur de Forbach, donne l'église de Kerbach aux chanoines de Hombourg-Haut. Il faut se rappeler que celle-ci était l'église-mère des environs et comptait parmi ses annexes : Forbach, Grande et Petite-Rosselle, Stiring, Verrerie-Sophie, Behren, Oeting, Etzling et une partie de Spicheren, jusqu'à l'époque napoléonienne. Presque entièrement anéantie lors de la Guerre de Trente Ans, la localité faisait partie de la seigneurie de Forbach et du Duché de Lorraine. Jusqu'en 1779, Forbach dépendait de la paroisse de Kerbach.
En 1888, Michel Parisse en fait cette description : « Ce village se situe sur une petite colline entre le Weschbach et le Behrenbach, au nord de la route de Forbach à Sarreguemines, et au pied du Wingertsknopf (347 m). Le village de Behren, au pied du Lohrberg, fait partie de la municipalité, ainsi qu'EtzIing, qui se trouve sur la rive gauche du Weschbach. Kerbach possède une vieille église qui a été reconstruite en partie en 1742, la tour actuelle en 1786 avec de belles cloches, un presbytère (1864), un logement pour l'instituteur (1836), un bâtiment scolaire séparé (1876) et deux canalisations d'eau. Deux moulins à céréales ( Moulin-Neuf et du Weschbach ) sont établis dans la commune, et un moulin à huile, actionnés par la force hydraulique. La municipalité de Kerbach compte 1253 habitants, dont 353 au village de Kerbach, 422 à Behren et à 478 à Etzling. Sa surface n'est dépassée dans le canton que par le ban de Forbach. Elle recouvre 1499 ha, dont 1101 ha de terres arables, 135 ha de prés et 207 ha de forêts. Les grandes glaisières qui s'y trouvent livrent la matière première nécessaire aux tuileries de Forbach. Dans quatre carrières sont extraites des pierres pour la construction et des pavés. La population vit principalement de l'agriculture et plante du blé, du seigle, de l'avoine et des pommes de terre. Les vergers sont assez étendus. Certains habitants sont aussi tailleurs de pierres, tisserands, ainsi qu'ouvriers employés dans les usines de Forbach et de Stiring. Les traces d’un village disparu subsistent au sud de Kerbach, des deux côtés de la route conduisant à Cadenbronn. »
Betting
L’abbé Touba parle de ce village qui avait son propre ban dont les noms de lieux-dits subsistent encore sur le plan cadastral : chemin de Betting, ruisseau de Betting, jardins de Betting, hauteurs de Betting….Le bourg avait disparu bien avant le guerre de Trente Ans. Incendie ou épidémie, aucune explication ne nous est parvenue. Son ban a été réparti en 1720 par la seigneurie de Forbach entre les habitants de Behren et de Kerbach.
La légende de la construction de l'église
Chacun des trois villages désirait édifier l'église chez lui. Comme aucun ne voulait céder la construction à l’autre, on s'est mis finalement d'accord pour l’ériger sur le Wingertsknopf, ce lieu se situant exactement au milieu des bans de Kerbach, Etzling et Behren. Mais voilà que tous les matériaux de construction qu'on apportait pendant le jour, se trouvaient régulièrement déplacées le lendemain matin à Kerbach, à la place de l'église actuelle. Même les gardes, postés la nuit à côte du chantier pour empêcher une quelconque mystification, ont été transférés à Kerbach. On a vu un signe du ciel dans cet événement merveilleux et construit l'église à Kerbach, bien que celui-ci soit le plus petit des trois villages.
Wildfrauloch ( la grotte de la femme sauvage )
Quand les Suédois ont déferlé sur la Lorraine en 1635, pendant la guerre de Trente Ans, meurtres et pillages signaient leur passage. La rumeur de leurs atrocités les précédait et provoquait, à leur approche, la fuite des habitants dans les forêts et les lieux inhabités. Dans Kerbach, une femme ne pouvait pas s'enfuir ; elle était restée avec son enfant nouveau-né. Son espoir de trouver une étincelle d'humanité chez les guerriers féroces était une illusion. Les sauvages ne l'ont pas seulement brutalisée de manière bestiale, mais ont ensuite lancé l'enfant en pleurs dans les flammes d'une maison incendiée. L'esprit dérangé, elle a erré pendant des jours sur les lieux du drame, en appelant son enfant, et quand les habitants traumatisés sont revenus après le départ des Suédois, elle s'est enfuie à leur approche comme s'ils étaient des animaux sauvages. Pour ne plus avoir de contact avec le genre humain, la pauvresse s'est retirée dans une petite grotte et s'est nourrie des fruits de la nature, jusqu'à ce que la mort la délivre. Cette cavité, redécouverte récemment près de la Pfisterquelle, porte encore le nom de « Wildfrauloch » dans la mémoire populaire.
Peste et choléra
L'histoire de la Lorraine mentionne de graves épidémies au XIXe siècle. La première touche notre région en 1832 ; elle provient des Indes, a été propagée en Russie par les armées du tsar, a traversé l'Allemagne avant d'atteindre Metz fin avril. Très croyants, les habitants des villages se sont tournés vers Dieu pour tenter d'éloigner le fléau. Et les saints protecteurs de la peste sont invoqués, notamment saint Sébastien. Des croix, appelées « Cholerakritz » en patois local, furent érigées à l'entrée des villages. Elles devaient conjurer le mal, souvent transmis par les voyageurs revenant des contrées contaminées. Ainsi une croix a été élevée en 1838 sur la route vers Behren, quelques années après la première épidémie.
La Guerre de 1870
Une grande partie de l'armée française a traversé le village pour s'établir à Spicheren. Une vingtaine de soldats français sont enterrés dans le cimetière de Kerbach. Ils avaient été gravement blessés sur le champ de bataille et abrités dans les granges du village voisin d'Etzling. Au Moulin-Neuf, on voit encore des traces de balles. Elles proviennent de soldats français qui, le 26 juillet 1870, ont tiré sur les habitants s'opposant au pillage des lieux, ont blessé le meunier au bras, et après la fuite de la famille, ont tout saccagé dans la maison.
Le 1er septembre 1939, la population de la région frontalière est évacuée à la suite de la déclaration de guerre à l'Allemagne. Les familles de mineurs ont été envoyées dans le Nord, les autres dans le Centre ou le Sud-ouest de la France; les habitants de Kerbach se retrouvent à Saint Laurent de Cognac. Le 12 mai 1940, jour de la Pentecôte, la localité tomba entre les mains des Allemands dont les « Stosstruppen » attaquèrent en masse, faisant de nombreux morts. Une demi-section de zouaves périt en défendant la ferme Egloff, position stratégique au nord du village, sur la route d'EtzIing. Kerbach ne fut libéré par les Américains que le 17 février 1945, l’ennemi s'y maintenant face aux armées alliées qui tenaient les collines de Cadenbronn à Gaubiving depuis décembre 1944. Revenus de l’exode, les Kerbachois se sont terrés dans les caves pendant les bombardements. Trois rues du village nous rappellent ces événements : celles du 1er Septembre, de Saint-Laurent de Cognac et du 17 Février 1945.
De 357 habitants en 1946, le chiffre de sa population augmentait à 597 lors du recensement de 1975, pour atteindre 800 habitants au début des années 80, dépasser le millier en 2000, et l’on compte actuellement 1230 Kerbachois, notamment grâce à la création de deux lotissements. Cette expansion rapide a nécessité la construction d'un nouveau groupe scolaire en 1974, qui a été complétée par la contruction en 2018 de nouveaux locaux pour la maternelle d'une surface de plus de 1000 m2. Par ailleurs, l'aménagement de nouvelles rues, de trottoirs et le développement du réseau d'assainissement contribuent à modifier peu à peu l'aspect de la localité. Parallèlement, on assiste à l'abandon des petites exploitations agricoles de type familial, la population étant traditionnellement composée d'une majorité de «mineurs-paysans». Actuellement, une seule exploitation agricole subsiste. De commune rurale, le village se transforme progressivement en havre très apprécié de calme et de verdure des grandes agglomérations voisines.